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Eternal (Dreams Pt. II) – Solitude Aeturnus

Une intro lente au son lointain, comme si les musiciens s’étaient enfermés dans une cannette de Bud, on se demande bien pourquoi. C’est pour rappeler aux fans, peu nombreux, la fin d’un morceau figurant sur l’album précédent. Il s’agit là d’une trilogie doom sur les malheurs que peuvent provoquer l’immortalité, sans référence à un quelconque comédien strabique. Certaines personnes ont le temps de réfléchir à des thèmes vraiment importants. Mais nous n’allons pas nous pencher sur les textes. C’est pas grave. On parle de Heavy Metal, tout de même.

Tout à coup, ça démarre. Riff pesant, production pas géniale, mais ce n’est pas l’essentiel. Les harmonies arabisantes se lovent autour de l’auditeur et le compriment, comme un genre de boa. La voix de Robert Lowe, rauque, a quelque chose d’enfantin. Un changement de clé, un jeu à deux voix, c’est trop lourd pour être vraiment beau. Mais pourquoi donc ai-je choisi ce morceau ? Hein ?

Un break, on s’attend à inspirer, mais non. Retour sur ce couplet lourd, lourd, lourd… Pourtant mélodique. On se le coltine à nouveau. Et soudain, la guitare se fait plus claire, sur un enchaînement d’accords simples, et Robert Lowe chante Eternal de sa voix cristalline, dans une mélodie simple qui me fait me sentir m’envoler avec ses notes.

C’est ça qui me fait vibrer. Quelques secondes en suspension avec cette voix si triste et claire.

Puis, le solo en apparence le plus laid de l’histoire de ce genre musical. Mais après pas mal d’écoutes, je le trouve incroyablement bien trouvé, ce solo. Plein de détresse, tordu, oppressant.

Retour au couplet, et Robert s’envole à nouveau dans ce refrain extraordinaire.

Et là survient la perle de ce long monolithe musical : un thème simple autour duquel la deuxième guitare plante des atmosphères lourdes, et Robert Lowe, génial, qui de sa voix naïve et désenchantée s’interroge sur la vacuité de l’existence, dans une envolée que Folon n’aurait pas reniée au moment de mourir.

Mark Levental

Overkill – Motörhead

Une chanson, c’est fait pour être chanté en public ! Alors à l’heure où le trio légendaire du metal anglais vient nous offrir une représentation dans les arènes d’Avenches, je vous offre ce petit bijou d’amour et de partage scénique.

À la barre, trois bons pères de famille qui jouent toujours les durs :

– Lemmy Kilmister, chanteur-bassiste, légendaire pour ses deux énormes poireaux, sa barbe et ses 2500 conquêtes;

– Phil Campbell, guitariste gallois de génie, également appelé « The Welsh Wanker » (je fais confiance à votre niveau d’anglais…)

– Mikkey Dee, suédois qui sourit tout le temps et accessoirement batteur quinquagénaire avec des bras larges comme des troncs d’arbre

Dans Overkill, les paroles sont toujours ciselées avec finesse et imagination, mais pas plus que leurs autres tubes au titre suggestif Killed by Death ou We are Motörhead.
Comme à l’accoutumée, Lemmy nous enchantera sans varier d’un ton, preuve que quarante-neuf ans de carrière et une bouteille de whisky quotidienne n’altèrent rien à ses qualités vocales.

Et ni plus ni moins que d’habitude, Phil nous gratifiera de ses solos légendaires.

Alors pourquoi celle-ci et pas une autre ?

Tout simplement car après avoir « envoyé le pâté » pendant trois minutes, il y a ce trait de génie : faire croire que c’est la fin de la chanson (et du concert), et ce à deux reprises !
Puis, offrir un grand moment de partage à tout le monde :

– à Mikkey, le batteur-bûcheron, à qui on offre le plus grand moment du concert, lui qui réveille tout le public par deux solos de batterie dans un monde où chanteurs et guitaristes relèguent trop souvent les autres au rang de faire-valoir

– aux spectateurs néophytes : ceux qui sont là car  ils voulaient voir d’autres groupes dans le festival, ou encore ceux qui ne connaissaient que Ace of Spades… Eux pensaient que le concert était fini et ont finalement le droit à un deuxième service de dessert !

– aux fans purs et durs : ceux qui sont aux premiers rangs du pogo, qui ne retrouveront jamais le porte-feuilles qu’ils y ont sûrement laissé tomber depuis des heures, qui ont mal de partout et le cœur qui bat à 200, le T-Shirt tellement trempé de sueur que c’en est une deuxième peau… Eux ont le droit à trois minutes d’extase supplémentaire. Une manière de leur dire « ces trois minutes sont à vous, rentrez-vous encore les uns dans les autres avec le peu de force qu’il vous reste ».

Et à la fin de cette symphonie mélancolique, ce sont 5, 10 ou même 20 000 nounours tatoués, percés, tous vêtus de noirs qui se tombent dans les bras puis s’évaporent dans la nature (traînant les blessés derrière eux), simplement heureux d’avoir partagé la nuit.

Cédric Junillon

Future Breed Machine – Meshuggah

Je ne vous laisserai pas dire que cette chanson est le produit de bovins poilus qui tiennent la tronçonneuse par la lame, tant cette œuvre magistrale a fait bouillir les petites parties encore fonctionnelles de mon cerveau adolescent.

Meshuggah, enclume suédoise coulée en 1989, a donné au monde cet album « Destroy Erase Improve » en 1994. Quand tu bouffes du Korn, du Machine Head ou du Sepultura jusqu’à la nausée, que tu tombes sur ce disque venu en drakkar depuis Umeå chez un disquaire aussi sombre que le fond de la cellule de Charles Bronson, que tu écoutes la première chanson, tu te dis que tout ce qui est rond va devenir carré, que Satan n’est qu’un benett, et qu’un tyrannosaure s’accompagne très bien d’une sauce au diesel dans le cadre d’un pique-nique ou d’un « team building » au Pôle Sud.

La chanson commence poétiquement par un son de train. Imaginez-vous ce petit papillon de nuit attiré par le phare de la locomotive se rapprochant à 300 km/h. Et là. En pleine poire qu’il se le prend. Une intro franche. Des riffs déstructurés et mathématiques, qui font passer Wagner pour un musicien de Schlager. Comme si la chevauchée des Walkyries n’était qu’un défilé de petits poneys devisant devant une tasse de thé avec des bisounours sous LSD.

S’ensuit une succession de phrases tronçonnant et martelant, avec un troll éructant des propos dont je n’ai jamais pris la peine de lire la traduction. N’avez vous jamais fait ce rêve, vous êtes nus, seuls la nuit dans un magasin de meubles, une armée de vikings chevelus habillés en bleu vous assaille et vous maltraite avec de gigantesques vis et des plans écrits en suédois. Vous l’entendez cette chanson en musique de fond?

Et puis ça se calme un tantinet… Quelques petits arpèges pour nous rappeler que la Suède accueille volontiers des touristes cannibales. On pardonnera au guitariste le son de guitare le plus dégueulasse de l’histoire, tant la suite et la fin de la chanson démontre aux plus perplexes qu’on peut résoudre une équation à 36 inconnues en prenant un bain de strontium en fusion.

Ces mecs transforment un baobab en cure-dents rien qu’en le dévisageant. Ils démontent des meubles déjà démontés. Ces mecs ont prouvé au monde qu’on pouvait jouer sur un marteau à 8 cordes de la grosseur de câbles de télécabine. C’est eux qui ont inventé le concept de boulettes de cailloux (d’autres ont adapté la recette avec de la viande d’origine suspecte).

Cette chanson a changé ma vie ainsi que la physionomie de ma colonne vertébrale, tant j’ai pu hocher violemment la tête sur ce déluge de troncs d’arbre. Je vous encourage donc de prendre un bon chez l’osthéo avant d’écouter ça, très fort de préférence.