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Walk On The Wild Side – Lou Reed

Quand j’ai entendu Walk On The Wild Side pour la première fois je ne parlais pas encore l’anglais, je devais être ado, mais la musique, la basse, le sax à la fin, la voix de Lou Reed et les Doo do doo, doo do doo, doo do doo m’ont  tout de suite émue et beaucoup plus. Par le plus pur hasard … ou pas, cette chanson était souvent en arrière-plan d’un moment important … une rencontre, une première fois … Elle fait partie de la bande son de ma vie. Je me suis intéressée aux paroles beaucoup plus tard, il n’y a pas si longtemps en fait et en les découvrant elle m’a encore plus plu. J’aime son côté subversif (elle a été écrite en 1972 et peu de chansons parlaient de sujets tels que la drogue, la prostitution, de transsexuel, de fellation …) et son conseil : Hey babe, take a walk on the wild side … que je n’ai pas forcément suivi. Sur le Web ils disent que ça peut avoir plusieurs traductions possibles : « Viens faire un tour dans la zone », « Viens t’encanailler », « Ne reste pas sur le droit chemin ».

C’est ma chanson préférée et donc la plus belle chanson du monde Doo do doo, doo do doo, doo do doo Hey babe, take a walk on the wild side…

Corinne

 

How to disappear completely – Radiohead

Au dixième mois de l’année qui ouvrait notre nouveau millénaire, sous le signe de la violence et au seuil de l‘incertitude de mes vingt ans, je découvrais que l’on pouvait disparaître complétement. C’est dès lors que je me suis mis à naviguer sur les fréquences de l’introspection, c’était une vérité, il suffisait de l’entendre.

Comme une brume venant recouvrir les arbres à la saison où ils se dénudent pour mieux s’en aller dormir, une nappe sonore grave et profonde m’empaquetait…Un instant plus tard un decrescendo, un hallali, m’ouvrait la voie de la dématérialisation. Je ne parle ni de téléportation, ni même de physique quantique, mais bien d’une incarnation à soi qui débute par la déconstruction de ce qui ne nous convient pas…Une métaphysique concrète !

Flanqué dans ma solitude urbaine et existentielle, les premiers mots vinrent à moi tel l’inespérée. En voici un extrait : « That there That’s not me»…plus loin, il est dit : « I’m not here I’m not here »…Chemin faisant, j’étais accompagné par une mélodie à la guitare sèche. Elle se voulait rassurante, bienveillante. Cette ritournelle n’était pas seule ! Il y avait le murmure et la chaleur lointaine d’une ligne de basse à contretemps. Ce contretemps, me remémorant les obstacles à esquiver sur le sentier de l’absence à soi…

Le long de cette odyssée torturée mais si belle, un feu d’artifice d’émotions m’était concédé. En guise de bouquet final, une cascade de violons se déversait au creux de mon âme et me délivrait en me guidant vers la source de ma lumière. Il m’était concédé une issue de secours, la liberté d’être et de disparaître quand bon me semble ! Je n’étais plus seul, je découvrais ma présence…

Depuis, je sais que lorsque je me trouve contrit dans mes négations d’exister, je peux me retrouver sous le firmament de mes vérités cachées. Il existe une mappe pour m’y rendre…C’est un mode d’emploi vers sa propre essence que nous offre cette chanson, la bande son des moments absurdes qui ponctue notre quotidien. Le message donné se veut positif encore faut-il savoir l’entendre…

Ayant tenté maintes fois la dictature du bonheur à l’emporter et à court terme, la meilleure solution a été cette fuite en avant. Certains pourfendeurs de la mélancolie vous le diront : « C’est triste ! ». Je leur rétorquerai : « Oui, c’est vrai ! Mais afin d’effleurer la fugacité de l’éternité, c’est au travers de ce sentiment que l’on prend la valeur de ce qui nous échappe. »

Alors, non, je ne laisserai jamais personne dire que ce n’est pas la plus belle chanson du monde !

À l’enseigne de la fille sans coeur – Édith Piaf

C’était une année morne. L’insouciance de l’enfance commençait à s’effilocher. Un prof tyrannique, vague sosie de de Funès, ambitionnait de nous rendre aussi dociles que des écoliers nord-coréens. Et puis un jour, par la grâce d’une chanson apprise en classe, les problèmes de math et les règles de conjugaison s’évanouirent dans un déluge d’accordéon et de liberté qui embrasa mon imaginaire de gosse.

Le ciel est bleu, le vent du large
Creuse la mer bien joliment
Vers le port montant à la charge
Galopent ses escadrons blancs

Il y avait là-dedans de quoi s’évader plus sûrement qu’avec la mappemonde qui prenait la poussière au fond de la classe. À chaque fois qu’on la chantait, les barrières géographiques de ma petite école explosaient. J’étais projeté dans ce port « tout au bout du monde dont les rues s’ouvrent sur l’infini » à l’atmosphère si poétique.

Et puis il y avait Rita.

Tout le monde s´en fout, y a du bonheur
Y a un bar chez Rita la blonde
Tout le monde s´en fout, y a du bonheur
À l´enseigne de la Fille Sans Cœur!

 Le coup de foudre immédiat. Ses courbes hypnotiques se superposaient aux formes géométriques qui hantaient le tableau noir. Tandis que le petit roquet faisait claquer les règles grammaticales à la pointe de sa baguette, je me réfugiais dans son bar. Dieu qu’on s’y sentait bien ! Les rires et la gnôle coulaient à flots. Rita me servait mes premiers tord-boyaux avec un clin d’œil complice. Mes camarades suaient avec le Bled, le Bescherelle et les triangles isocèles ; moi je m’enivrais avec la plus belle femme du monde.

Dans ce petit bar, c´est là qu´elle règne
On voit flamber sa toison d´or
Sa bouche est comme un fruit qui saigne
Mais on dit que son cœur est mort

La concurrence était rude. Les prétendants accouraient des quatre coins du globe pour ses beaux yeux. Insensible aux avances, elle renvoyait un sourire moqueur aux fanfaronnades des marins imbibés d’alcool et d’espoir. Son père, patron du bistrot, veillait jalousement sur sa vertu. Ça excitait encore plus la convoitise des gars. Du haut de mes onze ans, je rêvais secrètement que c’était moi qui ferais chavirer le cœur de cette beauté insaisissable.

Et puis, il y eut cet enfoiré d’étranger.

Mais un soir, la mer faisait rage
On vit entrer un étranger
Aux beaux yeux d’azur sans nuages
C’est alors que tout a changé

À partir de là, je compris que la vie était dégueulasse. Que les filles trop belles finissent avec des rabat-joie opportunistes. Que l’amour fout le bordel partout. Et que les chouettes bars deviennent des offices d’impôts.

Je ne découvris la version de Piaf que bien plus tard. La voix inimitable de La Môme, aux accents à la fois gais et mélancoliques, porte à merveille la dramaturgie de la chanson. (Les versions de Barbara et de nos Michel Bühler et Sarclo nationaux valent également le détour.)

J’appris également plus tard que l’auteur de cette petite merveille était un Vaudois rondouillard qui avait réussi à Paris bien avant que Bastian Baker fasse couiner les adolescentes de France et de Navarre. Jean Villard « Gilles » fut en effet l’un des premiers auteurs-compositeurs-interprètes de la chanson française. Réduit à La Venoge ou aux Trois cloches offert à Piaf, on ignore largement qu’il forma dans les années trente un fameux duo de chansonniers – Gilles et Julien – donnant notamment dans la veine humoristique (les ancêtres du Duo d’eXtrêmes Suisses en somme, mais sans Québécois). Qu’on lui doit des centaines de chansons. Que Brassens le révérait. Qu’il découvrit et engagea le jeune Brel dans son cabaret parisien. Que le grand Jacques s’inspira de La Venoge pour écrire son Plat Pays. Qu’il fut également auteur dramatique.

Il m’arrive encore souvent de pousser la porte de l’Enseigne de la fille sans cœur pour retrouver celle qui a provoqué mes premiers émois.

Et vous savez quoi ?

Elle est toujours aussi belle.

Philippe Lamon

Tu pars – Lise Martin

“Je ne laisserai jamais dire que ce n’est pas la plus belle chanson du monde.” Ha! La belle connerie!

J’avoue avoir été séduit par l’idée et le projet… Écrire sur la plus belle chanson du monde… Oui, ça semblait “frais”, comme dirait mon neveu. Jusqu’au moment de me retrouver un soir après une répète face à face avec ma discothèque… D’emblée, j’ai choisi d’écarter Dylan, trop attendu, trop facile et surtout trop compliqué… dans l’hypothèse de faire un choix. Dylan écarté, LA chanson m’est venue à l’esprit naturellement. Ce sera ELLE et nulle autre. Évidemment. Mais pour pouvoir jeter sur le papier quelques lignes à son sujet, il semblait juste, dans la démarche, de l’écouter à nouveau, pour se la réapproprier l’espace d’un instant, le temps d’écrire ces quelques mots. Ha! La belle connerie ce projet de recueil! Car, oui, j’ai déménagé. Certes, il y a onze mois, mais il me reste encore deux trois détails à régler dans ma nouvelle demeure, comme d’enfin classer ma discothèque…

Convaincu de mon choix, indiscutable (ne s’agit-il après tout pas – et ce n’est pas rien – de la plus belle chanson du monde?), je pars à la recherche du fameux CD sur laquelle elle se trouve. Pas mince l’affaire… Je tombe forcément sur Ani DiFranco, j’hésite… Elle a quand même conclu My IQ par ce vers de dingue : “Every tool is a weapon, if you hold it right”…

Ne pas se laisser distraire, poursuivre sa quête! Frénétiquement, je continue à scruter mes étagères en plissant les yeux. Merde, Keith Kouna et son album Du plaisir et des bombes sur lequel il y a Batiscan, ah ouais, cette chanson pourrait aussi être la plus belle du monde, tellement elle m’a touché, comme témoignage d’un fils aimant s’adressant à son père. Et juste à côté, la tentation titille encore : Titi Zaro, L’Ogresse. Souvenirs de belles soirées chez Alex, dont je ne voyais pas la fin avec délice. Ah bordel, quelle connerie ce projet de recueil!

Une heure a passé et j’aurais pu choisir The Fog Horn, Calvin Russel (Soldier, évidemment), Alee, Dan Mangan ou Capitaine Etc. Évidemment. J’aurais aussi pu choisir un morceau des Garçons Trottoirs pour faire plaisir à ma future épouse. Mais j’ai fini par me retrouver avec le premier CD de First Aid Kit dans les mains. Je flanche. Je tremble. Je me souviens de leur reprise de Universal Soldier de Buffy Saint Marie. Ouais, ça pourrait bien être la fucking plus belle chanson du monde. Une vraie connerie ce recueil, je vous le dis. Pourquoi une seule chanson, d’abord? Et je n’ai en plus toujours pas trouvé le CD convoité…

C’est alors que je me souviens qu’il reste, sous les escaliers, un sombre carton dont le contenu m’est brumeux. Super, pour tout simplifier, entre quelques bandes dessinées et des vinyles, je tombe sur les Ongles Noirs, La Grand-Mère Indigne, Le Nouvel Album de Max der Zinger et une obscure compilation dont j’ignorais l’existence, bien que Les Voisins du d’sus y aient contribué… Quelle connerie ce recueil…

Finalement, je l’ai trouvé ce CD, dans ce maudit carton. Ah oui, je le tiens dans mes mains. Gare des silences de Lise Martin. Les frissons naissent dans le creux de ma nuque, parcourent mon échine et se dissipent insaisissablement dans mon corps. Je ferme les yeux et je m’envole vers ce 13 janvier 2011 où, à la Parenthèse de Nyon, j’ai voyagé dans mon âme, mes rêves, mes espoirs et mes souvenirs. Avec la musique de Lise Martin, ce n’est pas la soirée qui fut belle, mais la vie passée, présente et à venir, vraiment. En réécoutant Tu pars, je redécouvre la véritable plus belle chanson du monde. “J’ai si souvent frôlé des doigts du bout de l’aube” l’envie de vivre, que ce soir je me sens enfin libre. Libre de moi, de nous, de vous, libre de vivre, libre d’aimer, sans chaînes, mais avec attaches. Libre de vivre, tout simplement.

Et si le concept de liberté peut rester sujet à débat, il ne fait aucun doute, par contre, que Tu pars, de Lise Martin, est sans conteste la plus belle chanson du monde. Cela va de soi.

Erik Grobet