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Chelsea Hotel #2 – Leonard Cohen

En quittant le foyer familial, mon père a embarqué toute sa collection vinyle des Beatles (salaud !) ainsi que celle de Bob Marley (bravo !). Pour ma culture musicale, restait uniquement chez ma mère l’intégrale de Gérard Lenorman, de Michel Sardou et quelques autres encore que la société et moi-même avons soigneusement oubliés.

Persévère, cherche et tu trouveras. À force de feuilleter toutes ces pochettes cartonnées bien rangées, j’ai fini par hasard sur cet album. New Skin for the Old Ceremony. Album par ailleurs offert par mon père à ma mère. Une tartine de mots tendres est écrite sur le dos de la couverture mais, curieusement, ça ne me rebute pas. Première écoute et ce déclic qui changera à jamais ma perception de l’émotion musicale : « Le peu peut devenir énorme ». Alors que nous sommes en plein à la fin des années 80 (gloubi-boulga de synthés, de voix trafiquées, de mélodies passe-partout taillées pour la radio), une voix grave vient me caresser les tympans, voix accompagnée uniquement d’une guitare acoustique. Chelsea Hotel #2. J’y loue une chambre, je croise les habitués, celui qui a la garde des lieux m’a accueilli à bras ouverts.

L’envie de visiter New York en hiver. Mais à cette époque, ce ne sera pas New York, mais la Belgique.

Souvenirs : les bas-côtés d’une voie ferrée sur un chemin pédestre avec la rivière juste à côté. Bières belges à foison, trois amis. Et Leonard Cohen

Chelsea Hotel se transforme en auberge de jeunesse, en camping, en nuit étoilée selon nos errances mais toujours avec ce même accueil chaleureux.

« We are ugly but we have the music. »

Anecdote : Arena de Genève, concert de Monsieur Cohen. Hallelujah. Deux dames dans la rangée devant nous : « C’est sympa qu’il reprenne du Jeff Buckley… »

Anecdote 2 : je n’ai toujours pas visité New York.

Antony Weber

Anarchy in the UK – Sex Pistols

Dès les premières mesures du morceau, on peut entendre le bien nommé Johnny Rotten éructer un jouissif « Right Now ! » (Tout de suite).

En quelques secondes, le décor est planté et tout est dit. Le monde de la pop ne sera plus jamais pareil, il y aura un avant et un après ce « Right Now ! ».

Bien sûr que les Sex Pistols sont le fruit d’une énorme supercherie, mais la vie n’est-elle pas une énorme supercherie ?

Jugez plutôt ce que l’enfant que j’étais pouvait ressentir au son de cette voix, un mélange d’excitation et d’inquiétude. Comme si je découvrais le vrai timbre de Satan, mais plutôt que de m’enfuir tout de suite, je restais un peu pour voir, parce que j’avais le sentiment qu’avec ce diable-là, on ne s’ennuyait pas.

Et quel message me délivrait ce beau diable ? « Right Now ! », comme une invitation à l’action, ici et maintenant, un appel à faire exploser toutes les barrières érigées par la société, ou par moi-même. Peu importe ce qui se passera après, agir toujours et « tout de suite ».

C’est comme si cette bande de fouteurs de merde avait redonné le pouvoir à nos cerveaux reptiliens, celui qui n’a qu’un instinct, vivre et survivre. Tout le reste n’est que baratinage.

Sous la crête du chanteur des Sex Pistols se cache peut-être l’un des plus grands philosophes du XXe siècle, mais un philosophe sans dogme, qui n’invite qu’à une chose : agir « Right Now ! »

Patrick Fellay